• Les jours et les semaines passèrent sans qu’Aelys ne revoie son beau voisin. En revanche, elle passait beaucoup de temps en compagnie d’Alastair. 

     

    Pour ce dernier,  n’importe quel prétexte était bon pour accaparer la jeune femme. 

     

     

    Une sortie au cinéma, une exposition, un dîner au restaurant, une balade dans la campagne…

     

     

     

     

     Tant et si bien qu’ils s’étaient beaucoup rapprochés et qu’elle avait oublié sa gêne quand elle était avec lui, pas au point de se laisser totalement aller, mais assez pour ne plus rougir à tout bout de champ quand il lui glissait une des taquineries dont il avait le secret. 

     

     

     

    Ce jour-là, il l’avait invitée à venir déjeuner chez lui. Son ton mystérieux quand il le lui avait proposé avait intrigué Aelys.  Elle avait alors accepté, curieuse d’en savoir plus. A l’heure prévue, Alastair se présenta chez elle, très élégamment vêtu comme à son habitude :

     

    - Bonjour Alastair, comment allez-vous ?

    - Mieux, ma chère, maintenant que je suis avec vous. 

     

     

     

    Il se pencha vers elle et déposa un chaste baiser sur sa joue, avant de poser sa main au creux de ses reins pour la guider vers l’escalier :

     

    - Je suis un peu nerveux, j’ai prévu quelque chose de spécial aujourd’hui, reprit-il.

    - Ah oui ? Vous piquez ma curiosité. Est-ce que vous allez enfin me dire de quoi il s’agit ? dit-elle avec un petit rire.

    - Je préfère vous en laisser la surprise, répondit-il malicieusement.

     

    Dans la voiture, Aelys se tourna vers lui en souriant :

     

    - J’ai l’impression que mon environnement ne vous choque plus autant que la première fois où vous êtes venu.

    - A vrai dire, je comprends maintenant pourquoi vous avez choisi de vivre dans ce quartier, je dois admettre que c’est très agréable.

    - Je suis venue habiter ici après ma dernière année de lycée, j’ai décidé de partir après qu’un drame soit survenu dans ma vie. J’avais besoin de m’éloigner, de fuir des souvenirs douloureux. J’ai appris la vraie vie ici, loin de cette vie de privilégié qui nous enferme dans une bulle de confort et qui nous empêche d’appréhender la réalité.

    - Vous avez donc vécu des choses difficiles, j’en suis vraiment navré…

    - Oh, mais ne dites pas cela comme si vous en étiez responsable, vous n’y êtes pour rien. Et puis, tout ça c’est du passé. 

     

    Ils discutèrent ainsi pendant une partie du trajet, sans que la jeune femme n’y fasse vraiment attention et après un moment, elle remarqua qu’ils étaient sortis de la ville. Elle reconnut le paysage montagneux qui se dessinait et un sentiment de panique l’envahit.

     

    *** Non, non, non, ce n’est pas possible…***

    - Alastair… où allons-nous ? dit-elle d’une petite voix angoissée

     

    Surprit, le jeune homme lui jeta un coup d’œil :

     

    - Et bien, comme je vous l’ai dit, nous allons déjeuner chez moi. Que se passe-t-il Aelys ? Ça ne va pas ?

    - Est… est-ce que vous habitez à Willow Creek ??? demanda-t-elle, le souffle court

    - Tout à fait. Mais parlez-moi ma chère, qu’est-ce qu’il y a ?

    - Arrêtez la voiture ! murmura-t-elle haletante.

     

     

     

    Alastair s’exécuta. Il se gara sur le bas-côté et sorti du véhicule pour en faire le tour. Il l’aida à sortir et la prit dans ses bras. Elle était toute tremblante :

     

    - Je suis désolée Alastair…

    - Dites-moi ce qui vous bouleverse à ce point.

    - Je … je viens de Willow Creek moi aussi… Il y a longtemps… une personne que j’aimais est morte par ma faute… je n’ai jamais pu m’en remettre, c’est pour ça que je suis partie et que je n’y suis jamais retourné. 

    - Oh ma chérie… je suis désolé. Je ne le savais pas…

    - Vous ne pouviez pas le savoir, dit-elle doucement

     

    Des larmes commençaient à couler sur ses joues. Dans le même temps, la pluie se mit à tomber. Alastair resserra son étreinte pour la protéger :

     

    - Nous devrions nous mettre à l’abri dans la voiture, je vous ramène chez vous…

    - Non Alastair. 

     

     

     

    Elle leva la tête vers lui. Dans ses yeux brillait un éclat de détermination :

     

    - Cela fait trop longtemps que je fuis mon passé, il est temps que je l’affronte.  

    - Vous en êtes sûre ?

    - Oui, certaine. Et puis, dit-elle en essuyant ses larmes, je n’oublie pas que vous avez préparé quelque chose de spécial à mon attention.

     

     

    Alastair la regarda intensément, avant d’acquiescer silencieusement. Puis, lentement, il posa délicatement ses lèvres sur celles de la jeune femme. Son baiser était doux et chaud, et Aelys y répondit timidement. Quand leurs langues se rencontrèrent, Alastair sentit le désir monter en lui et ce n’est qu’à cause de la pluie qui tombait à torrent, qu’il se maîtrisa. A regret, il se détacha de la jeune femme qui semblait confuse. Il lui tint la portière tandis qu’elle se réinstallait dans la voiture. Ses cheveux étaient mouillés et lui collaient au visage. Il lui tendit un mouchoir en tissu afin qu’elle s’essuie et elle lui sourit avec reconnaissance. Ils reprirent la route, mais l’ambiance dans l’habitacle restait lourde. Aelys ruminait ses pensées noires en regardant au-dehors et Alastair n’osait pas lui parler. Au détour d’un virage, le jeune homme remarqua qu’elle gardait les yeux fermés, les doigts crispés autour d’un anneau d’or à son cou et que sa respiration s’accélérait. Elle s’accrochait au bijou comme s’il s’agissait d’une bouée de sauvetage. Il focalisa son attention sur la route et accéléra pour arriver au plus vite, malgré la pluie qui redoublait d’intensité.

     

    Le soleil revint lorsqu’ils atteignirent le centre-ville, quelques minutes plus tard. Aelys s’était détendue et regardait les changements qui avaient été opérés au cours des années. Elle montra à Alastair son ancienne école primaire et son lycée :

     

    - Je n’ai malheureusement pas fait mes études ici, lui répondit-il, mon père a préféré m’exiler très tôt dans un internat en France. Vous avez eût beaucoup de chance, je trouve.

     

    Elle ne répondit pas, les souvenirs affluaient dans sa mémoire aussi clairement que si elle était partie la veille. Alastair poursuivit sa route et bifurqua dans un chemin de terre sinueux. Bientôt, un magnifique manoir se dressa devant eux. Alastair se gara dans l’allée et au même moment la porte principale s’ouvrit. Un homme à l’air austère se tenait là, attendant que le couple arrive à sa hauteur :

     

    - Bonjour Monsieur. 

    - Bonjour Olster, laissez-moi vous présenter à mon invitée, Mademoiselle Aelys FORD.  Aelys, je vous présente Olster, notre majordome et qui est à notre service depuis…

    - Quarante-quatre ans Monsieur, répondit l’intéressé.

    - Voilà, autant vous dire qu’il était là avant ma naissance et que je n’imagine pas cette maison sans lui. 

     

     

     

    Aelys salua l’homme, mais quelque chose dans le regard de celui-ci la mit fortement mal à l’aise. Elle avait l’impression qu’il la jaugeait. Elle se morigéna en se disant qu’il n’avait aucune raison de la prendre de haut. Alastair repris la parole :

     

    - Olster, est-ce que tout est prêt, comme je vous l’avais demandé ? 

    - Absolument Monsieur, je vous accompagne au salon d’hiver.

    - Parfait.

     

    Posant sa main au creux des reins de la jeune femme, le maître des lieux l’invita à l’accompagner. La décoration raffinée et moderne surprit Aelys qui s’attendait à un environnement tout aussi austère qu’Olster. Elle fut surtout sensible à la qualité des œuvres d’art qui décoraient les différentes pièces qu’ils traversèrent. 

     

    Ils entrèrent dans le salon d’hiver dont la verrière laissait entrer le soleil à flot. L’orientation de la pièce offrait une vue splendide sur la vallée et la ville en contrebas. Aelys remarqua que la table était mise pour trois personnes, elle se tourna vers Alastair le regard interrogateur, mais il lui fit simplement signe de prendre place. Au moment où elle allait s’assoir, une superbe femme aux cheveux noir de jais, entra dans la pièce :

     

    - Mon chéri, dit-elle en embrassant Alastair sur les lèvres, je vous attendais un peu plus tôt ton amie et toi.

    - Je suis désolé, Aelys s’est sentie mal sur la route, nous avons dû nous arrêter un instant.

     

    Celle-ci observait l’échange intriguée. Qui diable pouvait bien être cette femme ? Alastair se tourna vers elle, il avait gardé la main de la femme dans la sienne et la guida vers la table :

     

    - Maman, je vous présente Aelys. Elle est très chère à mon cœur. Aelys, voici Lilith. Ma mère.

     

     

     

    (…)

     

    - Alastair comment est-ce possible ??? Vous m’avez dit que votre mère était très âgée, mais elle a l’air si jeune !!!

     

    Ils se retrouvaient seuls, quelques heures après le déjeuner. La mère d’Alastair s’était éclipsée en disant qu’elle devait passer quelques coups de fil, le jeune homme avait alors entraîné Aelys dans une visite du domaine. Ils marchaient dans le parc du manoir quand la jeune femme ne résista pas à poser la question qui lui brûlait les lèvres. Il lui répondit avec un petit rire :

     

    - Ma chère, nous avons d’excellents gènes dans ma famille et ma mère est une femme pleine de mystères, mais si vous tentez de découvrir celui de son apparente jeunesse, je crains que vous n’y passiez votre vie. Elle préférerait mourir que de dévoiler ses secrets de beauté.

    - C’est extraordinaire… On dirait qu’elle a juste trente ans tout au plus.

    - Je l’ai toujours connue ainsi et elle prétend que ce qui la maintiens aussi bien, c’est une bonne nuit de sommeil et une hygiène de vie irréprochable, dit-il en levant les yeux au ciel.

     

    Aelys n’insista pas, mais elle n’en demeura pas moins perplexe. Ils continuèrent leur promenade et au bout d’un moment le jeune homme se tourna de nouveau vers elle :

     

    - Aelys, ma chère. Si je vous ai invité aujourd’hui à rencontrer ma mère, c’est parce que comme je l’ai dit plus tôt, vous êtes très chère à mon cœur. Vous êtes une femme très spéciale. Merveilleuse. Et je dois vous avouer que je suis tombé follement amoureux de vous. 

    - Oh… Alastair… je …

    - Attendez, laissez-moi finir, l’interrompit-il, car je crains de manquer de courage pour ce qui va suivre. Vous occupez toutes mes pensées, depuis l’instant où je me lève jusqu’au moment où je me couche. J’adore chaque instant passé avec vous et je maudis le temps qui nous oblige à nous quitter. Je n’ai plus envie que vous soyez loin de moi, Aelys. Alors je vous en prie, me feriez-vous l’immense joie de devenir mon épouse ?

     

     

     

    Se faisant, il s’agenouilla devant elle et il lui présenta un écrin de cuir blanc dans lequel brillait une bague magnifique.

     

    *** Oh Seigneur… *** 

     

    (…)

     

    De retour chez elle après qu’Alastair l’ait raccompagnée, Aelys enfila son vêtement le plus confortable et s’attacha les cheveux, puis elle sortit ses palettes et s’installa devant son chevalet. Mais l’inspiration ne vint pas. Perturbée par la demande d’Alastair, elle n’arrivait pas à se concentrer. Elle n’avait pas pu lui donner une réponse immédiate et avait demandé un délai de réflexion, ce qu’il avait accepté sans grand enthousiasme. Mais elle ne voulait pas y réfléchir, en tout cas pas tout de suite. Elle délaissa sa toile, et fit infuser un thé, qu’elle abandonna finalement sur le plan de travail. Elle s’affala sur le canapé et alluma la télé. Une émission de télé-réalité où des couples devaient se prouver leur amour à travers diverses épreuves, ne retint pas plus son attention. De guerre lasse, elle se mit à zapper les 170 chaînes, sans trouver de quoi se distraire. Finalement, elle éteignit l’écran et prit un livre qu’elle avait commencé quelques mois plus tôt. Là non plus, elle n’arriva pas à lire plus de deux lignes. Elle jeta un coup d’œil au réveil posé sur le guéridon et vit qu’il était 16h. Bien que ce ne soit pas dans ses habitudes, elle décida d’aller faire une sieste pour ne pas avoir à penser à la proposition d’Alastair. A peine allongée dans son grand lit moelleux, ses nerfs rudement mis à vifs dans la journée, se détendirent et elle s’endormit presqu’immédiatement. 

     

     

     

    (…)

     

    Quand elle émergea du sommeil, le soleil déclinait déjà à l’horizon. Elle mit un certain temps avant de sortir de son lit, car elle se sentit un peu cotonneuse. Dans le salon, elle avisa le thé qu’elle avait délaissé un peu plus tôt et le réchauffa. Après l’avoir bu, elle décida qu’un peu d’air frais lui ferait le plus grand bien et d’aller marcher un peu dans le parc voisin. Avec la fin de l’automne, les températures s’étaient considérablement rafraîchies et quand elle sortit de l’immeuble, un vent glacé lui fouetta les joues. Elle se sentit revigorée et se mit à marcher d’un pas tranquille en direction du parc. Sur sa route, elle observait les personnes pressées de rentrer chez elles après une longue journée de travail, celles qui étaient déjà attablées au restaurant, celles qui s’apprêtaient à sortir en soirée. Un vendredi soir animé dans la ville. Dans le long ruban soyeux du ciel, les étoiles s’allumaient une à une et Aelys se sentit soudainement heureuse et chanceuse d’être en vie. 

     

     

     

    Elle arriva en vue du parc et se dirigea vers son coin préféré, près du lac. Là, elle s’assit sur l’herbe et adopta une posture méditative tout en contemplant le reflet de la lune à la surface de l’eau. Elle était maintenant résolue à prendre une décision, mais il y avait bien longtemps qu’elle n’avait pas ressenti cette paix intérieure, si bien qu’elle resta immobile pendant près d’une demi-heure. Elle était si absorbée dans ses réflexions, qu’elle ne vit pas la silhouette sombre qui se profila derrière elle :

     

    - Je savais bien qu’on se reverrait chérie…

     

     

    (…)

     

     

    ******************** 

     

     

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