• Samiel s’en voulait terriblement. Il ne voulait pas blesser Aelys, mais il savait que c’est ce qu’il avait fait. Il l’avait entendu. Elle fondait des espoirs sur une potentielle relation avec lui, mais il ne pouvait la laisser s’enliser dans ses illusions. Et d’ailleurs, pourquoi ce qu’elle ressentait le touchait autant ? S’il devait se montrer honnête envers lui-même, il ne faisait pas seulement preuve de compassion ou de bienveillance, comme n’importe lequel de ses congénères. La tristesse d’Aelys l’impactait beaucoup plus qu’il ne voulait l’admettre. Et puis, il y avait autre chose…

     

    -     -  Samandriel…murmura-t-il

     

    Son ami apparu à la seconde où il eut fini de prononcer son nom et le regarda d’un air interrogateur :

    - Que puis-je pour toi Samiel ?

    - J’aimerais que tu me dises la vérité.

    - Si cela m’est possible, je te la dirai, sinon tu devras chercher la réponse par toi-même.

     

    *** Evidemment… ***

     

    - Je voudrais savoir s’il existe un lien antérieur entre Aelys et moi ? Est-ce que je la connaissais de mon vivant ?

     

    Samandriel se détourna de lui :

     

    - Je suis navré Samiel, je n’ai pas la réponse à cette question. Et même si je l’avais, je ne serais pas autorisé à y répondre.  Tout ce qui concerne les vies antérieures, n’est pas du ressort de subalternes comme nous. Tu ne devrais plus y penser et te concentrer sur ta mission.

    - Mais chaque fois qu’elle et moi avons eu un contact physique, des choses étranges se sont produites, et j’ai l’impression de l’avoir connue avant. 

    - Tu te trompes. Jamais Raphaël n’aurait permis une chose pareille. Il n’y a que les humains pour penser que leurs proches deviennent leurs anges gardiens. Comme tu le sais, les protecteurs sont assignés à la naissance, remplacés à l’adolescence, puis à l’âge adulte, et encore remplacés quand les humains arrivent à la fin de leur vie. Il n’y a donc aucune chance pour que tu ais connu cette fille de ton vivant.  

    - Je vois… Tu as raison, je me suis peut-être trompé… Laisse-moi maintenant.

     

    Samandriel se volatilisa aussitôt.

     

    Samiel se sentait de plus en plus déconcerté. Il était sûr de ne pas avoir rêvé. Quand ils s’étaient embrassés, il avait ressenti cette espèce de connexion. Ce n’était pas une coïncidence, il y avait forcément un lien. Mais lequel ? 

     

    (…)

     

    Assise dans sa douche, l’eau ruisselant sur son corps, les larmes d’Aelys ne tarissaient pas.

     

    *** Mais qu’est-ce que je croyais ??? Un mec comme lui n’aurait jamais pu s’intéresser à une pauvre minable comme moi***

     

    Ses sanglots redoublèrent d’intensité :

     

    ***Non, mais quelle conne !!! Je n’aurais pas pu tomber plus bas… Après cet abruti de Dominic, voilà que je m’entiche du premier venu et que je me jette à son cou. N’importe quoi !!!! Mais qu’est-ce qui ne vas pas chez moi ??? ***

     

     

    Elle resta longtemps sous l’eau chaude, mais elle n’arrivait pas à se calmer. Finalement, elle se résigna et sorti de la salle de bain. Elle n’avait personne à qui parler, plus de famille, pas d’amis, pas de petit-ami, personne. La gorge nouée, elle enfila son pyjama et s’enfouit sous sa couette. Morphée ne tarda pas à l’emporter dans un sommeil sans rêve, sous le regard coupable de Samiel qui s’était matérialisé dans sa chambre quelques instants plus tôt. 

     

     

     [Trois semaines plus tard…]

     

    Elle était devant l’immeuble et venait à peine de héler un taxi, quand elle aperçut Samiel qui s’apprêtait à rentrer chez lui. Quand il l’appela, son cœur fit un bond dans sa poitrine, mais elle fit semblant de ne pas l’avoir vu. Le véhicule s’arrêta devant elle et elle s’engouffra rapidement dans l’habitacle. 

     

     

     

    Une demi-heure plus tard, elle était devant la tombe de ses parents :

     

    - Salut papa, Salut maman… Je sais que je devrais venir vous voir plus souvent, je suis désolée. Mais quand je vous disais la dernière fois que ma vie est un peu compliquée, je n’exagérais pas… J’ai rencontré un homme, il est si gentil et prévenant. Rien à voir avec Dominic. Je ne sais pas comment c’est possible de s’attacher aussi rapidement à quelqu’un. Moi qui d’ordinaire suis quelqu’un de tellement prudent, là je ne sais pas, j’ai l’impression qu’il y a quelque chose de spécial qui se passe entre nous. Une sorte d’alchimie qui m’attire irrésistiblement vers lui. Et puis cette sensation qu’il est toujours près de moi, même quand nous ne sommes pas ensemble. J’ai l’impression de ressentir sa présence... Malheureusement, il n’a pas du tout les mêmes attentes que moi, il ne souhaite pas s’engager dans une relation. Je ne me suis jamais sentie autant rejetée de ma vie, et je ne sais pas pourquoi ça me fait aussi mal. J’ai essayé de ne pas me laisser déborder par mes sentiments et de faire bonne figure, mais je sens que je suis en train de perdre pied. Je ne sais pas quoi faire, j’aimerais tellement que vous soyez toujours là, avec moi. 

     

     

    Aelys s’allongea quelques instants sur le caveau de marbre blanc et étreignit la pierre glacée. Des larmes brûlantes emplirent ses yeux, mais elle les essuya rapidement, avant qu’elles ne coulent, puis se releva :

     

    - Merci papa, maman de m’avoir écoutée, je vous laisse, j’ai quelqu’un d’autre à aller voir. Je vous aime très fort.

     

    Quelques minutes plus tard, après avoir sillonné les allées du cimetière, elle s’arrêta devant une tombe isolée, en retrait des autres. Celle-ci n’était pas entretenue et les mauvaises herbes avaient envahi la pierre. La plaque, bien que recouverte d’une épaisse pellicule de poussière, restait cependant lisible. Aelys resta là, silencieusement, à la regarder fixement. 

     

    (…)

     

    À quelques mètres de là, assis sur le toit d’une petite chapelle abandonnée, Samiel l’observait, invisible aux yeux des humains. Il savait que le mausolée qu’elle avait quitté à l’instant était le tombeau de ses parents, et il se demanda à qui pouvait bien appartenir la sépulture devant laquelle elle se tenait à présent. Il écouta sa petite voix flûtée, car bien qu’elle soit loin de lui, il l’entendait comme s’il se tenait tout à côté d’elle :

     

    - Aujourd’hui ça fait 10 ans jour pour jour que tu es parti et 10 ans que je ne suis pas venue te visiter…  Je ne suis même pas venue le jour où l’on t’a enterré, je m’en veux tellement. Je ne te demande pas de me pardonner, car je n’ai jamais pu me pardonner ce que je t’ai fait… C’est pour ça que je ne suis pas venue. C’est à cause de moi que tu es mort. Je ne pouvais pas imaginer ton beau sourire enfermé pour toujours, je ne le peux toujours pas. (…)

     

     

     

     

    Perplexe, Samiel l’écoutait parler. Quelqu’un était mort à cause d’elle ? Mais qui ? Il reporta son attention sur Aelys qui s’était maintenant assise sur l’herbe :

     

    - Chaque jour, tu me manques un peu plus…  Mais, je dois tout de même être honnête avec toi. J’ai récemment rencontré quelqu’un et je ne sais pas pourquoi à son contact, ton souvenir s’est fait plus intense dans mon cœur. C’est comme si tu étais de nouveau avec moi… C’est complètement absurde, je le sais. Mais je sais aussi que si tu étais encore en vie, nous serions toujours ensemble, parce que tu étais mon âme sœur. Nous avons eu si peu de temps ensemble. J’ai essayé de vivre chaque jour normalement, d’oublier cette tragédie et de supporter ton absence, mais ça a été très dur… Ça l’est encore aujourd’hui.  Ne m’en veux pas, je n’essaie pas de te remplacer par un autre, personne ne pourra jamais te remplacer. Tu resteras à jamais mon véritable amour, et tu ne sauras jamais à quel point j’ai eu envie de te rejoindre, ni le nombre de fois où j’ai essayé en vain. C’était de plus en dur de rester en vie sans l’amour que tu me donnais.

     

     

     

     

    En disant cela, elle baissa les yeux sur deux fines cicatrices nacrées qui barraient verticalement ses poignets.

     

     

    -    - Mais maintenant, j’ai envie de vivre…Je sais que tu ne voudrais pas que je gâche tout. J’espère que tu es heureux là où tu es, et que tu veilles sur moi. Peut-être qu’on se reverra un jour mon amour et j’espère que tu m’attendras.

     

    Aelys posa ses doigts sur ses lèvres avant de les poser sur la pierre glacée de la tombe. Puis, elle se leva et s’éloigna sans se retourner. 

     

     

     

    (…)

     

    Samiel attendit qu’elle soit hors de vue, puis il se posa gracieusement près de la tombe, et s’approcha pour en lire l’épitaphe :

     

     

    ********************

    *** Ethan PARRISH ***

    1989 - 2008

    ********************

     

     

    Aucune mention particulière n’apparaissait sur la plaque. C’était comme si un indigent était enterré là, quelqu’un qui ne comptait pour personne. Samiel s’accroupit pour toucher la pierre tombale, mais à peine sa peau eut-elle effleuré la pierre, qu’il se retrouva éjecté quelques mètres plus loin.

     

     

     

     

    Il se retrouva complètement sonné l’espace d’un instant :

     

    - Mais qu’est-ce qui s’est passé ? 

     

    Il retourna près de la sépulture, et la toucha de nouveau avec plus de prudence. Mais cette fois, il se figea, comme paralysé. Ses pupilles se dilatèrent, un éclat doré les traversa et il vit… Tout.

     

     

     

     

    ********************

     

     

     

    < Chapitre 8  Chapitre 10 >   


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :