• -         - Alors qu’en dis-tu ? Acceptes-tu ma proposition Samiel ? Serais-tu prêt à abandonner tes ailes par amour ?

     

    Les mots de Lilith résonnèrent comme le claquement sec d’un fouet. Mais Samiel ne cilla pas :

     

     

    -       -   Je serais prêt à faire n’importe quoi pour elle… et c’est parce que je l’aime plus que tout, que je décline ton infâme proposition. Ce que tu m’offres-là ne sera jamais à la hauteur de ce que j’ai vécu avec elle. Sache que mon amour pour Aelys est si pur qu’il ne pourra jamais être corrompu, ma mission est de la protéger de vous et c’est en faisant cela que je me montrerai digne de la personne qu’elle a jadis aimé. A présent Lilith, tu ferais mieux de déguerpir avant que je te réduise à néant pour avoir ne serait-ce qu’osé imaginer que je vous rejoindrai. 

     

     

     

     

    Les yeux de Lilith se mirent à flamboyer de colère, mais elle se reprit et se mit à rire :

    -      -    Mais quel angelot présomptueux tu fais… Me détruire ? Moi ?  Mais tu ne m’arrives même pas à la cheville…

    Mais pourtant, elle obtempéra et disparut sur ses mots. Samiel eût à peine le temps de reprendre ses esprits, qu’une voix murmura à son oreille :

    -      -    Bravo, je n’en attendais pas moins de toi. Maintenant va, et sois son bouclier.

     

    Instantanément, Samiel trouva du réconfort dans ces mots et il comprit que Raphaël ne l’abandonnerait pas, quoi qu’il arrive. Prenant une grande inspiration, il s’éclipsa et réapparu une nanoseconde plus tard, au coin de la rue sous sa forme humaine. Ressentant de plus en plus le besoin d’effectuer ces gestes simples propres aux êtres humains, il remonta l’allée à grand pas en direction de son immeuble. Il marqua un léger temps d’arrêt devant le bolide de luxe garé juste devant l’entrée.

     

     

     

    Un véhicule pareil ne passait pas inaperçu dans ce quartier, cependant, il ne s’y attarda pas et pénétra dans le bâtiment. Quatre à quatre, il monta les escaliers, et alors qu’il s’apprêtait à longer le couloir qui menait à son appartement, il se figea. Aelys était en compagnie d’un homme, celui-ci penché vers elle, déposait un baiser sur ses lèvres. Le cœur de Samiel se serra et son corps d’homme se crispa.

     

     

     

     

    L’inconnu prit congé de la jeune femme et se dirigea vers les escaliers. En croisant Samiel, il lui jeta un bref coup d’œil et le salua. Ce dernier lui répondit poliment, résistant à l’envie de lui écraser la tête contre le mur.

     

     

    Surprit et mortifié par cette poussée de violence, Samiel s’avança et marcha jusqu’à sa porte, sans un regard pour la jeune femme qui n’avait pas bougé :

     

    -       -   Bonsoir Aelys, la salua-t-il froidement.

     

    Elle s’approcha de lui, mais il lui tournait toujours le dos :

    -      -    Salut. Euh… Ça fait longtemps que tu es là ? lui demanda-t-elle, embarrassée qu’il ait assisté à la scène.

    -      -    Suffisamment.

    -      -    Je vois. Je voulais justement te voir pour qu’on discute.

    -      -    Pas ce soir.

    -       -   D’accord… demain alors ?

    -       -  Je pars tôt demain, je dois voir des clients.

    -       -   A ton retour ? insista-t-elle.

    Il se tourna vers elle, luttant contre le désespoir qui l’envahissait :

    -       -   Je ne sais pas Aelys… Peut-être qu’il vaudrait mieux qu’on ne se voit plus.

    -       -   Mais pourquoi ???

    -       -   C’est mieux comme ça.

     

     

     

    Il se détourna et rentra rapidement chez lui afin qu’elle ne voit pas l’infinie tristesse dans ses yeux. Au moment où le silence de l’appartement se referma sur lui, il comprit que la morsure qui lui broyait le cœur était celle de la jalousie.

     

    (…)

     

    Il était un peu plus de neuf heures le lendemain, quand la sonnette d’entrée arracha Aelys des bras de Morphée. Elle eût du mal à reprendre pied dans la réalité et s’étira sous ses draps pour redonner du tonus à ses muscles.

     

     

     

    Les yeux encore ensommeillés, elle chercha un peignoir pour aller ouvrir la porte, sous l’œil attentif de Samiel qui, s’étant matérialisé auprès d’elle pendant la nuit, la regardait faire, assis dans un coin de la pièce.

     

     

    Quand elle eut finalement mit la main sur le vêtement, elle l’enfila avant de se diriger vers le salon. En ouvrant la porte, elle tomba nez à nez avec un somptueux bouquet de roses, tenu à bout de bras par un livreur :

     

    -       -   Aelys FORD ?

    -       -   Oui, c’est moi.

     

     

    Le livreur lui tendit un bon de livraison :

     

    -      -    C’est pour vous, signez ici.

     

    Elle s’exécuta, puis récupéra le bouquet, qu’elle posa sur la table basse du salon avant de partir à la recherche d’un vase vide. Après avoir mis le bouquet dans de l’eau fraîche, elle jeta un coup d’œil parmi les fleurs odorantes. Une enveloppe dorée y était nichée. Elle s’en saisit, la décacheta, et lu les mots rédigés dans une écriture fine et élégante :

     

    ----------------------------

    Aelys,

     

    Je n’arrive plus à vous sortir de mon esprit, cette nuit vous avez hanté mes rêves.

    Accepteriez-vous de déjeuner avec moi aujourd’hui ?

     

    - A -

    ----------------------------

     

    Elle s’apprêtait à poser  la carte sur un guéridon et à se faire couler un café, quand son portable se mit à sonner :

    -        -  Allô ?

    -       -   Est-ce que le bouquet vous plaît ?

     

     

    - ... euuuh… Alastair ?

    -   -   Oui, bonjour Aelys. J’espère que vous ne me trouverez pas trop entreprenant, je me suis permis de demander à Tasha votre numéro de téléphone.

    -      -    Oh ! Euh, oui, d’accord. Il n’y a pas de problème.

    -       -   Alors dites-moi. Le bouquet est-il à votre goût ?

     

     

     

    En réalité, et bien qu’elles soient véritablement magnifiques, Aelys détestait les roses, elle leur préférait la simplicité et la délicatesse des orchidées, mais elle n’eût pas le courage de l’avouer à son interlocuteur :

     

    -      -    Il est très beau, merci Alastair c’est une très gentille attention, répondit-elle en éludant la question

    -      -   Parfait, je suis heureux de savoir qu’il vous plaît. Puis-je espérer votre compagnie pour le déjeuner ?

     

     

     

    La jeune femme hésita quelques secondes :

     

    -        -  Et bien… Oui, pourquoi pas ?

    -      -  Merveilleux, je suis enchanté de vous revoir. Je viendrais vous chercher aux environs de onze heures ? Cela vous convient-il ?

    -        -  Oui, oui, c’est très bien. A tout à l’heure.

     

     

     

    Elle raccrocha le cœur battant et garda le téléphone quelques instant dans sa paume avant de le reposer et d’aller finalement se faire couler un café serré. Samiel qui avait assisté à l’échange soupira, dépité. Quelle chance pouvait-il avoir face à un homme fait de chair et de sang ? Un homme qui pouvait offrir à Aelys la vie qu’elle méritait, la perspective de se marier, de fonder une famille, d’être heureuse. Rien dans tout ce que lui avait révélé Raphaël ne laissait penser qu’en tant qu’enfant de lumière, elle devait finir sa vie seule. Il avait pour mission de la protéger des forces maléfiques, de la protéger pour qu’elle ait une vie la plus normale possible. Qu’elle puisse s’accomplir et maintenir l’Equilibre. Mais malgré tout, il eut une irrépressible envie de tout envoyer valser. D’apparaître devant elle et de lui dire qu’il était prêt à abandonner son statut d’être céleste pour elle. Une idée germa dans son esprit et après tout, pourquoi ne pas la tenter… Il disparut soudainement et quelques secondes plus tard, il frappait à la porte de la jeune femme.

     

     

     

     

    Celle-ci ne put cacher sa surprise en le découvrant debout dans le couloir :

    -        -  Samiel ? Mais qu’est-ce que tu fais là ?

    -        -  Hier soir, tu m’as dit que tu voulais me parler.

    -        -  Oui, mais tu m’as dit qu’il valait mieux qu’on ne se voit plus.

     

    Il ignora sa remarque :

    -      -    Que voulais-tu me dire ?

     

    Contrariée, Aelys croisa les bras :

     

    -        -  Ça n’a plus d’importance…

    -       -   Je t’écoute, insista Samiel, en croisant les bras à l’instar de la jeune femme. Je n’ai pas l’intention de m’en aller tant que tu ne m’auras pas dit ce qui te tenait tant à cœur.

     

     

    Puis, avisant la tasse fumante sur le comptoir :

     

    -        -  Tu n’as qu’à m’offrir le café, j’ai un peu de temps devant moi. Au fait, ton peignoir…

     

    Sans qu’il s’en rende compte, le regard de Samiel s’était fait plus caressant quand il aperçut les courbes de sa poitrine. Les joues en feu, Aelys referma les pans de son peignoir tout en s’écartant pour le laisser entrer, et lui désigna le canapé du salon. Elle s’affaira dans la cuisine, puis lui tendit une tasse. Se faisant, leurs doigts se frôlèrent déclenchant le phénomène habituel. Leurs regards se croisèrent et Aelys retira sa main précipitamment :

     

    -       -   As-tu senti ça ? lui demanda-t-elle

    -       -   Senti quoi ? répondit Samiel innocemment.

    -      -    Non rien, rien … dit-elle en se détournant de lui. Après tout je me fais peut-être des idées.

    -        -  Des idées à quel sujet ?

     

    Les pensées se bousculaient dans l’esprit d’Aelys et Samiel attendait qu’elle se ressaisisse, il attendait qu’elle fasse le tri dans le flot d’informations qu’elle avait en sa possession, et qu’elle recolle les pièces du puzzle. Puisqu’il ne pouvait le lui dire directement, il allait l’orienter pour qu’elle trouve elle-même le chemin vers la vérité. Après tout, Raphaël ne le lui avait pas strictement interdit et n’était-ce pas aussi son rôle de guide ?

     

    Samiel sursauta, un rire amusé avait distinctement résonné à ses oreilles. Aelys, le regarda intriguée :

     

    -        -  Est-ce que tout vas bien Sam? Tu as l’air préoccupé.

    -       -   Oui bien sûr que je le suis, j’attends que tu te décides à me dire ce pourquoi tu voulais me voir hier soir.

     

     

     

    Afin de se donner contenance, elle prit le temps de récupérer sa tasse toujours posée sur le comptoir, de s’assoir sur le canapé à côté de Samiel et de boire une longue gorgée de café. Le jeune homme la laissait faire, mais il prêtait une oreille attentive à ses pensées.

     

    *** Il va me prendre pour une cinglée, c’est certain. Mais comment lui expliquer sans avoir l’air d’être une pauvre fille désespérée, en mal d’amour et prête à tout pour se jeter à sa face. ***

     

    Finalement, elle prit une grande inspiration et se jeta à l’eau :

    -       -   Sam, te souviens-tu de la première fois où nous nous sommes rencontrés ?

    -       -  Je m’en souviens parfaitement.

    -        -  Et, euuuh… est-ce que ce jour-là, rien ne t’as semblé étrange ? Est-ce que le jour où tu m’as sauvée de l’agression de Dominic, rien ne t’as semblé étrange ? Et aussi le jour où nous nous sommes embrassés, et encore là, à l’instant. Tu n’as rien senti ?

    -      -    De quoi parles-tu exactement ?

    -      -    Ecoutes, depuis que je t’ai rencontré, je ne cesse de te le dire, j’ai l’impression qu’on s’est déjà vu, que je te connais, et toi tu me soutiens que non, mais là à l’instant j’ai bien vu que tu avais senti ce… cette espèce de connexion, d’alchimie, je n’en sais rien, appelle ça comme tu veux… je suis certaine que tu l’as ressentie, tout comme moi, ne le nie pas.

     

    Elle avait dit tout cela d’une traite, sans reprendre son souffle, et Samiel remarqua que son rythme cardiaque s’était considérablement accéléré :

     

    -      -    Et selon toi, cette… connexion qu’il y aurait entre nous, signifierait qu’on se connaît ? demanda-t-il sur un ton posé.

    -       -   J’ai …, commença-t-elle avant de s’interrompre.

     

    Elle triturait nerveusement une mèche de cheveux… Devait-elle lui dire de but en blanc qu’elle avait certaines facultés ?

     

    *** Je ne veux pas commettre les mêmes erreurs que par le passé. Mais si je le lui dis, il s’en ira en courant et il me prendra pour un monstre… Comment faire ?***

     

    Elle reprit la parole :

     

    -       -   J’ai réfléchis et j’en suis arrivée à la conclusion que non. Nous ne nous connaissons pas, enfin je veux dire que je sais que la première fois que nous nous sommes rencontrés, c’était dans le hall de l’immeuble, c’était la première fois que je te voyais, je veux dire sous ces traits, c’est sûr. Ce que je crois avoir reconnu, c’est ton âme.

     

    Samiel joua la surprise :

     

    -     -     Quoi ???? Tu as reconnu mon âme ???

    -   -  Je sais… ça peut paraître dingue, mais j’ai cette sensation de familiarité quand je suis avec toi… Ce bien-être qui m’envahit et fait que je n’ai pas envie d’être ailleurs ou avec quelqu’un d’autre. Il n’y a qu’avec une  personne que j’ai ressentie ça de toute ma vie et cette personne ne vit plus depuis longtemps…

     

    *** Nous y sommes…***

     

    -      -    Qu’essayes-tu de me dire Aelys ?

    -        -  ….    Je … je crois que…

     

    Au même instant, le portable de la jeune femme se mit à sonner et le nom de Tasha scintilla sur l’écran. Samiel maudit le sort qui s’acharnait et empêchait son plan de se dérouler comme prévu. Avec un sourire d’excuse, Aelys pris la communication :

     

    -       -   Allô.

    -      -    Hellooooo, Aelys ma chérie, comment vas-tu ? C’est Tasha, je ne te dérange pas j’espère ?

    -     -     Et bien… commença cette dernière, avant d’être interrompue par son interlocutrice.

    -   -   Oh là là ma chérie, j’espère que tu ne m’en veux pas, j’ai accidentellement donné ton numéro à Alastair… Bon… j’avoue, ce n’était pas totalement, complètement un accident. Pour être honnête, je pense qu’il a un petit béguin pour toi !!!!

    -     -  Ecoutes, je ne sais pas si c’est une bonne idée que je… (elle jeta un coup d’œil gêné à Samiel à proximité et se mit à chuchoter) …fréquente quelqu’un. En ce moment c’est assez compliqué.

    -    - Voyons Aelys, cesse donc de te confiner à ta petite routine, tu es jeune, belle et adorable… Profites donc de la vie ! Ce jeune homme souhaite te courtiser, laisse-le faire et vois là où ça vous mène… Et tu ne sais jamais, il pourrait être l’amour de ta vie.

     

     

     

     

    *** L’amour de ma vie est mort il y a dix ans …***

     

    -      -    Ça m’étonnerais qu’il le soit… répondit-elle dubitative.

    -       -   Laisse-lui une chance, tu ne sauras pas si tu n’essayes pas. En plus, avoue qu’il est beau comme un dieu.

    -      -    C’est vrai, tu as sans doutes raison, mais je ne sais pas… on verra bien, répondit-elle pour couper court.

    -    -   Hormis ça ma chérie, je dois te dire que tu as fait sensation au vernissage d’hier soir, ils sont tous dingues de toi. Nous allons devoir organiser un évènement très bientôt et il faudra que tu me fournisses de la matière.

    -       -   Tasha…

    -      -    Ne t’inquiètes pas, ce sera quelque chose de très sélect, avec quelques personnes triées sur le volet. Je pense qu’une dizaine de toiles devraient suffire…

     

    Aelys soupira d’agacement, en ce moment, peindre dans le but d’assoir sa renommée déjà bien portante, était la dernière chose qu’elle avait envie de faire.

     

    -      -    On verra ça plus tard. Je dois te laisser, je ne suis pas seule en ce moment.

    -       -   Oh, je suis désolée, je tombe mal apparemment. Ceci dit, il faut battre le fer tant qu’il est chaud ne l’oublie pas. On se rappelle très bientôt pour en rediscuter ma chérie.

    -      -    A bientôt Tasha.

     

    Elle raccrocha et se tourna vers Samiel qui n’avait pas perdu une miette de la conversation, mais qui n’en laissa rien paraître. Aelys jeta un coup d’œil à la pendule posée sur un guéridon et se rendit compte qu’il était déjà 10h45. Elle avait rendez-vous avec Alastair à 11 heures, et jamais elle n’aurait le temps de finir la conversation qu’elle avait entamé avec Samiel.

     

    -       -   Samiel, je suis navrée, mais  je dois aller me préparer, je suis attendue dans quinze minutes pour le déjeuner, et je suis encore en pyjama.

     

    Bien qu’il soit extrêmement désappointé, Samiel acquiesça :

     

    -      - Comme tu voudras. Et quand tu seras disposée à ce que nous reprenions cette conversation fais-le-moi savoir.  

     

     

    Il avait parlé plus sèchement qu’il ne l’aurait voulu et la jeune femme s’en offusqua.

     

    *** Mais qu’est-ce qui lui prend ? ***

     

    -       - Sam, attends…

     

    Elle essaya de le retenir, mais il avait déjà franchi la porte.

     

     

     

    ********************

     

     

     < Chapitre 13  Chapitre 15 >  


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