• Debout dans la chambre d’Aelys, Samiel scrutait la pièce à la recherche du flux spirituel de la jeune femme, cette empreinte invisible laissée par tous les êtres humains et qui se présentait, pour les êtres angéliques, comme un fragile fil d’or lumineux. 

     

     

    Au bout de quelques minutes, il le ressenti, certes faiblement, mais suffisamment fort pour pouvoir encore suivre une piste. Plusieurs heures s’étaient écoulées et le flux s’affaiblissait de seconde en seconde, bientôt il disparaîtrait. Il devait faire vite !

    Quand il ressorti de l’immeuble, il comprit l’ampleur de la tâche qui l’attendait. Les différents flux qui s’entremêlaient dans la ville ne  lui rendraient pas les choses faciles. Samiel serra les dents et se concentra afin de ne pas perdre de vue, le plus précieux d’entre tous. 

     

     

    Il arriva dans le quartier le plus cosmopolite de la ville, devant un restaurant qu’il reconnut comme étant le préféré d’Aelys. Sans perdre de temps, il poursuivit sa route et celle-ci le mena en dehors de la ville, puis à travers champs. Il avait l’impression de ne pas aller suffisamment vite, mais en même temps il ne voulait pas risquer de rater un embranchement par lequel Aelys aurait pu passer. Il traversa la ville de Willow creek, sans prêter attention à l’environnement qui lui était autrefois familier. Parfois, le fil d’or montrait des signes de faiblesse et Samiel priait pour qu’il tienne encore le coup, le temps qu’il parvienne jusqu’à elle. 

     

     

     

    Après un certain temps qui lui parut une éternité, il arriva à un chemin de terre qu’il parcourut jusqu’à la moitié. Soudain, il fut brutalement stoppé dans son élan et une immense faiblesse se saisit de lui, le mettant pratiquement à genoux. A cet instant précis, Samiel sut qu’il avait pénétré les frontières du Sanctuaire.

     

     

    Se traînant presque, Samiel arriva au bout du sentier et vit s’étendre devant lui  un immense parc au bout duquel une imposante bâtisse se dressait dans la nuit. Il touchait presque au but, encore un effort.

    *** Faites qu’il ne soit pas trop tard ***

     

    (…)

     

    Le bruit que fit le tissu en se déchirant, résonna longtemps entre les murs de pierre. Aelys eut beau se débattre, son adversaire était trois fois plus fort qu’elle et elle ne réussit qu’à s’épuiser un peu plus. Le souffle court, Alastair savourait l’instant, il imaginait déjà le moment où il pénétrerait son intimité. Elle avait l’air tellement succulente, il avait hâte de déverser sa semence en elle et de lui donner un fils. Il avait l’intention d’abuser d’elle autant de fois que nécessaire pour s’assurer sa descendance. 

     

     

    Son regard effrayé ne faisait que l’exciter encore plus et il sentit son membre se durcir. Il laissa courir ses prunelles noires sur le corps velouté qu’il tenait fermement entre ses bras et passa sa langue sur ses lèvres avant de les poser brutalement sur celles de la jeune femme. Elle garda les lèvres résolument closes, tandis qu’il tentait de forcer le passage avec sa langue. Soudain, sans crier gare, elle le mordit jusqu’au sang. Mais contre tout attente et bien qu’il eut un mouvement de recul, Alastair ne hurla pas de douleur et ne la lâcha pas, il sembla, au contraire, apprécier l’attaque qu’elle venait de lui porter:

    - Je ne vous pensais pas adepte des jeux sado-maso, ma chérie. Si c’est de cette manière que je dois vous satisfaire, alors qu’il en soit ainsi, dit-il en léchant le sang sur ses lèvres.

    - Arrêtez Alastair, jamais je ne tomberai amoureuse de vous ! Laissez-moi partir ! 

    - Mais vous refusez vraiment de comprendre… Il ne s’agit absolument pas d’amour, je n’en ai que faire ! Vous n’avez plus aucune échappatoire, ma chère. Vous êtes mienne. Ma femme. Ma reine, répondit-il avec un petit reniflement dédaigneux. 

     

    De nouveau, il tenta de poser ses lèvres ensanglantées sur celle d’Aelys, mais elle se détourna. Une colère sourde commençait à monter en lui, il posa ses mains sur la gorge fine de la jeune femme et commença à serrer de plus en plus fort, ignorant ses ongles qui, s’enfonçant dans sa chair, essayaient de lui faire lâcher prise. 

    - Ce soir, je vais vous faire goûter à un plaisir charnel tel que vous n’en avez jamais connu, dit-il la voix rauque de désir.

     

    Manquant d’air, Aelys vit de petits papillons noirs lui danser devant les yeux, puis ceux-ci se mirent à éclater en une multitude de tâches lumineuses et la jeune femme sombra doucement dans l’inconscience. Avec un rire sournois, Alastair lui assena une gifle retentissante qui la sortit de sa léthargie. 

    - Non ma chérie, ne vous évanouissez pas, on ne fait que commencer à jouer. 

     

    A plusieurs reprises il recommença son petit manège, amenant la jeune femme au bord du coma puis la frappant pour la réveiller. 

    A bout de force, le visage tuméfié, Aelys était sur le point d’abandonner, quand elle sentit que son bourreau s’éloignait d’elle. Les yeux mi-clos, elle l’aperçut qui s’empressait de se dévêtir, alors une idée lui vint :

    - Alastair… vous avez gagné… faites de moi ce que bon vous semble, je n’ai plus la force de lutter, dit-elle dans un murmure.

     

    Il n’en fallu pas plus à ce dernier pour se jeter sur elle, tel un loup affamé. Prestement, Aelys projeta sa jambe au moment même où le prince des ténèbres se retrouvait au-dessus d’elle, dans une position qui le rendait vulnérable. Et elle atteignit son but. Tout démon qu’il était Alastair n’en avait pas moins des attributs d’homme et comme tous les hommes dans ce genre de situation, il se plia de douleur et retomba sur le sol en vociférant des insanités tandis qu’Aelys se glissait hors du lit.

     

    Avisant une lampe posée sur la table de chevet, elle la brisa de toutes ses forces sur le crâne d’Alastair. 

    Sans perdre une seconde, elle sortit de la chambre et se mit à courir aussi vite que possible avant qu’il ne reprenne ses esprits. Elle fonça pied nu à travers le dédale de pièces et s’apprêtait à franchir les derniers mètres qui la séparaient de sa liberté, quand le bruit sourd d’une gifle suivi de sanglots attira son attention.

     

     

    Silencieusement, elle se glissa dans les escaliers et se dirigea à l’étage, dans la direction où venait  le bruit. Tapie dans la pénombre, elle vit Olster qui molestait la pauvre Pauline. Cette dernière, acculée dans un coin, semblait totalement terrorisée. 

     

    Ivre de rage, Aelys ne réfléchit pas et fonça, tête la première sur le majordome. Ce dernier n’eut pas le temps de réfléchir ou d’esquiver l’attaque, il reçut le coup en plein milieu de la poitrine et s’écroula, le souffle coupé. 

     

     

    Sans attendre, Aelys attrapa la main de Pauline, dévala l’escala et se mit à courir à en perdre haleine jusqu’à la porte principale :

    - Vite !!! Nous avons une chance, il faut la saisir !!! dit-elle

    - Madame… qu’avez-vous fait ?!?!? Ils vont nous tuer !!!! lui répondit Pauline paniquée.

     

    Aelys ne répondit pas et raffermit sa main autour de celle de Pauline pour la rassurer. Elle ne la laisserait pas tomber. Enfin, elles parvinrent à se retrouver dans l’immense parc qui jouxtait la propriété. Le froid mordant saisit Aelys, sa tenue légère n’offrait aucune protection face aux températures hivernales, mais elle ne ralentit pas pour autant. 

     

     

    Jetant un coup d’œil derrière elle, Aelys se rendit compte que toutes les lumières étaient allumées, il ne leur restait plus beaucoup de temps. Elle décida de traverser une petite clairière qui leur permettrait ensuite de couper à travers champs et ainsi de brouiller les pistes. Au moment même où elle prit cette décision, elle se sentit tirée brutalement vers l’arrière et trébucha :

    - Pauline, qu’est-ce que… ?

     

    En tournant les yeux vers la domestique, elle comprit tout de suite que quelque chose n’allait pas. Celle-ci était tombée face contre terre, dans son dos s’étalait une fleur ensanglantée. Une dague au pommeau d’or y était profondément enfoncée et la jeune fille gémissait de douleur. 

    - Oh nooon !!!! Pauline !!!!

     

    Aelys se jeta sur la jeune fille et arracha la dague avant de la retourner précautionneusement.

    - Non, non, non, je vais t’aider, guérir ta blessure. Tout va s’arranger, tu verras.

     

    Aelys voyait leurs poursuivants se rapprocher rapidement, mais elle décida de sauver la pauvre Pauline qui était en train d’agoniser. Jamais elle ne pourrait l’abandonner à son triste sort et s’enfuir comme une lâche. Elle apposa ses mains sur la blessure, mais rien ne se passa. Aelys ferma les yeux afin de faire le vide en elle, mais rien n’y fit. Elle ne parvint pas à guérir la blessure.

    - Merci d’avoir essayé de m’aider Madame. Vous êtes une merveilleuse personne. Merci.

     

    Pauline lui adressa un faible sourire, comme si elle se savait libérée de toutes les souffrances qu’elle avait subies. L’instant d‘après, son sourire se figea et ses yeux devinrent vitreux.  Le cœur d’Aelys se brisa. C’était de sa faute si Pauline était morte. 

    *** Mais pourquoi je n’ai pas réussi à la guérir ??? Pourquoi ?!?!?!***

     

     

    Tandis qu’elle continuait de bercer le corps de la domestique entre ses bras, Lilith apparu devant elle, un sourire narquois sur les lèvres. Olster et deux autres hommes arrivèrent également, soufflant et haletant après leur folle course. 

     

    - Quelle bande de bons à rien, éructa Lilith sans un regard pour ses sous-fifres, j’ai dû faire le travail moi-même. 

    - Majesté, nous sommes navrés de cet échec, mais…commença l’un des larbins.

     

    Mais il n’eut pas le temps de finir sa phrase car il s’était brusquement enflammé et se délitait en un petit tas de cendres volatiles sous le regard  penaud d’Olster et de l’autre homme de main.

     

     

    Lilith se tourna vers Aelys, une lueur meurtrière dans le regard :

    - Toi… espèce de petite garce ! Tu as osé lever la main sur mon fils chéri. Tu vas le regretter amèrement ! Je ne peux certes pas te tuer, mais tu vas passer un sale quart d’heure, je te le garanti. 

    Elle s’apprêtait à se jeter sur la jeune femme, mais celle-ci qui avait anticipé le mouvement, s’était emparée de la dague et tenait Lilith en respect :

    - N’avancez pas, où cette dague ira se planter dans votre cœur, je vous le garantis

    Lilith se mit à rire  comme une démente devant la menace :

    - Tu crois sincèrement être de taille contre moi ? Moi ! La mère de tous les démons ?!? Mais tu rêves, ma pauvre fille !!! Cette dague, c’est moi qui l’ai forgée de mon propre sang, elle ne me fera aucun mal. Alors soit gentille et donne-la moi. 

     

     

    Aelys recula d’un pas tandis que Lilith tentait de l’intimider. Quant aux deux hommes, ils s’étaient subrepticement déplacés de telle façon qu’elle se retrouvait presque cernée de tous côtés. La situation se dégrada encore quand Alastair,  maculé de sang apparu, le visage totalement déformé par la fureur. Son côté démoniaque prenait le dessus et le rendait hideux. 

    - Quelle grossièreté Aelys… traiter votre époux de la sorte… alors qu’il allait vous honorer de sa précieuse semence… Vous allez payer le prix de votre stupidité, dit-il d’une voix sourde.

    Ils avançaient tous dans un ensemble parfait, empêchant toute possibilité de fuite. Aculée, Aelys ne voyait plus d’issue. Le piège se refermait de nouveau sur elle. 

     

    **** Je suis perdue, tout est fini…***

     

    Elle crispa ses doigts autour du manche de la dague tandis que l’horreur de la situation la frappait de plein fouet, et elle senti le désespoir l’envahir.

     

    (….)

     

    Au prix d’un effort qu’il n’aurait jamais imaginé devoir fournir un jour en tant qu’ange, Samiel arriva difficilement au bout du parc. Le poids de son corps semblait avoir été multiplié par mille. Il haletait, soufflait comme un asthmatique en pleine crise et avait l’impression de vivre ses derniers instants tant il se sentait oppressé. 

     

     

     

    Il était en train de rassembler ses forces pour parcourir les derniers mètres qui le séparaient du manoir, quand un mouvement dans le lointain attira son attention. Ses facultés étaient certes amoindries, mais néanmoins, il parvenait parfaitement à voir la scène malgré la distance. Une terreur sans nom s’empara de lui et il se mit à courir aussi vite que le peu de force qui lui restait le lui permettait.

     

     (…)

     

    - Allez Aelys, cessez vos enfantillages et revenez gentiment au manoir, susurra Alastair d’une voix mielleuse, la main tendue vers la jeune femme.

    Il voyait que sa colère ne le menait nulle part, et il tentait vainement de l’amadouer 

    - Ne m’approchez pas !!!! Alastair, restez où vous êtes !!!! 

    Sur ces mots, elle tourna la pointe de la dague juste sur son cœur :

    - Si vous ne me laissez pas partir, je n’hésiterai pas, Alastair. Je préfère me tuer que de servir vos desseins…

    - Vous ne le ferez pas, affirma Alastair avec force.

    - Vous voulez parier ? dit-elle en pressant un peu plus l’arme contre sa poitrine. 

    Une goutte de sang perla à travers le tissu de la nuisette, mais Aelys ne faiblit pas. Sa détermination fit flancher ses assaillants qui s’immobilisèrent. 

     

     

    Ils se regardèrent l’espace d’un instant, incrédule. Puis tout s’accéléra soudain quand Lilith se jeta sur Aelys pour la désarmer, elle avait perçu la présence de Samiel non loin et ne voulait pas que la situation tourne à leur désavantage. Malheureusement, la jeune femme avait anticipé l’attaque de la démone et prit sa décision en un millième de seconde. La dague s’enfonça profondément dans sa chair et elle s’écroula au moment même où l’ange débouchait dans la clairière.  

     

    - NOOOOOOOOOOOOOOON !!!!!

     

     

    Samiel et Alastair avaient crié en même temps. L’un de dépit, l’autre de désespoir. Samiel se jeta au sol près du corps d’Aelys et la serra dans ses bras sans un regard pour les antagonistes autour de lui. 

    - Sam… je savais que tu viendrais… sourit Aelys.

    - Mon amour, ne dit rien, économise tes forces. Je vais t’emmener loin d’ici. Tu vas t’en sortir.

    - Non… non c’est trop tard… je vais mourir. S’il te plaît, reste près de moi, ne me laisse pas toute seule ici.

    - Ne dis pas ça, je t’en supplie. On va trouver une solution. On va te sortir du Sanctuaire… Raphaël pourra te guérir et…

     

     

    Elle avait posé ses doigts sur les lèvres de Samiel, l’empêchant d’aller plus loin. Puis elle lui caressa tendrement la joue. Son regard accroché au sien, comme pour graver son visage à jamais dans sa mémoire :

    - Je t’aime… Ethan… depuis le premier jour, exhala-t-elle dans un murmure presque inaudible.

    - Aelys… non… je t’en supplie…

     

    Il s’interrompit en voyant un filet de sang couler de la bouche de la jeune femme, il comprit alors qu’elle venait de rendre son dernier souffle. 

     

     

    Impuissant, il regarda son âme à peine séparée de son enveloppe charnelle, disparaître. Il réalisa que c’était bel et bien terminé et pour la première fois depuis sa renaissance angélique, Samiel perdit la foi. Dévasté, il laissa couler la douleur qui lui étreignait le cœur tout en serrant contre lui le corps de son amour perdu. Ainsi, même les anges pouvaient pleurer.

     

     

     

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